Le BRGM mène pour le compte de l'Etat des travaux pour fournir des éléments de détermination de l'exposition de la France aux risques pesant sur les approvisionnements en chacune des substances investiguées et leur importance pour l'économie française. Le résultat des ces travaux se présente sous deux formats : des "monographies" détaillées, et des "fiches de criticité" plus synthétiques.
Sommaire
Substance rare, stratégique ou critique ?
Métal rare : Ce terme peut recouvrir des significations variables selon les contextes:
- d'un point de vue géologique, il s'agit d'un métal dont l'abondance moyenne et/ou la disponibilité (capacité à se concentrer en gisements) est faible dans la croûte terrestre (exemple : le cérium, la plus abondante des terres rares, constitue 0,006 % de la croute terrestre : rare ou pas ?) ;
- dans certains usages journalistiques, le terme désigne un métal peu employé dans un secteur industriel grand public ou en très faibles quantités.
Métal stratégique : métal indispensable à la politique économique d'un État, à sa défense, à sa politique énergétique ou à celle d'un acteur industriel spécifique (exemple : métaux pour la transition énergétique).
Métal critique : métal aux propriétés remarquables pouvant entrainer des impacts industriels ou économiques négatifs importants liés à un approvisionnement difficile, sujet à des aléas.
ATTENTION, les éléments du groupe des "terres rares", un faux ami
Les terres rares sont un groupe de 15 à 17 métaux selon les auteurs, composés des 15 lanthanides, auxquels peuvent être ajoutés l’yttrium et plus rarement le scandium. Elles ont été identifiées et séparées progressivement entre 1794 et 1907. Le mot terre renvoie à une substance non décomposée car non réductible par le charbon (aspect terreux), ce qui était le cas de l’Yttria (1794) et de la Ceria (1803) avant qu’elles n’aient pu être réduites en métal. De plus, aux 18ème et 19ème siècles, l’Yttria et la Ceria étaient beaucoup plus rares que les autres terres comme la chaux, la magnésie ou encore l’alumine. Le nom de terres rares induit souvent en erreur puisqu’on sait aujourd’hui que la somme de tous ces métaux représente 0,026% de la croûte terrestre, loin devant le nickel (0,008%), le zinc (0,007%) et l’argent (0,0000075%) et ne sont donc pas si rares. Ce qui est plus rare et localisé en revanche, c’est de les trouver en concentrations naturelles à des niveaux économiquement exploitables.
Les analyses par substance
Substances
Familles de substances
Substances
L'évolution des marchés des petits métaux issus des rapports CyclOpe
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Marchés des petits métaux en 2018 : contribution du BRGM au rapport CyclOpe 2019
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Marchés des petits métaux en 2019 : contribution du BRGM au rapport CyclOpe 2020
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Marchés des petits métaux en 2020 : contribution du BRGM au rapport CyclOpe 2021
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Marchés des petits métaux en 2021 : contribution du BRGM au rapport CyclOpe 2022
Panoramas du marché
Les "monographies", encore appelées "panoramas du marché", analysent la filière liant les ressources géologiques aux produits industriels et aux biens de consommation. Les résultats contribuent à déterminer l'exposition de la France aux risques pesant sur les approvisionnements en chacune de ces substances et leur importance pour l'économie française.
Ces panoramas passent en revue :
- l'état de la demande : revue des usages, quantification de la consommation mondiale et de son évolution récente, anticipation de son évolution prochaine possible, possibilités et perspectives de substitution ;
- l'état de l'offre : inventaire des ressources connues, des productions, et des sources d'approvisionnement primaires et secondaires, en France et dans le monde, présentation de son évolution récente et évaluation de son évolution prochaine possible, possibilités, réalités et perspectives de recyclage ;
- les prix et leur évolution ;
- l'identification des principaux acteurs français, européens et mondiaux ;
- une évaluation de la criticité de la substance pour l'industrie française.
Ces panoramas de substances sont des outils d'aide à la décision tant pour les industriels que pour les pouvoirs publics.
Depuis 2019, de nouvelles études sont en cours visant à développer la compréhension du marché de métaux stratégiques à travers leur chaîne d'approvisionnement. Elles se focalisent sur le volet "offre" du marché, tant primaire (mine) que secondaire (recyclage).
Fiches de criticité
En complément, depuis 2015 et sous la conduite du COMES, des fiches de criticité sont élaborées. Elles sont destinées à mettre à disposition des acteurs économiques, des responsables politiques et administratifs, des chercheurs et des enseignants, des médias, ainsi que du public un ensemble élargi de données et d’informations relatives aux chaînes de valeur de matières premières minérales. L’objectif poursuivi est d’offrir une information aussi factuelle que possible, détaillant les aléas pouvant affecter les chaînes de valeur industrielles dépendant de chaque matière première minérale étudiée qui présentent une importance particulière du point de vue de l’économie française.
Une notice méthodologique explicite chacun des champs retenus. Chaque champ est qualifié par ses sources ainsi que par sa date d'actualisation et par tout commentaire paraissant pertinent pour l’utilisation des fiches.
Les informations proviennent des monographies substances produites ces dernières années par le BRGM et de sources publiques exploitées par le BRGM dans le cadre de ses missions d'intelligence économique pour le compte du ministère chargé des matières premières. Les données chiffrées sont issues des meilleures sources ouvertes de données, internationalement reconnues. Certaines sont gratuites, d’autres ne sont accessibles que sur abonnement. Malgré de nombreux efforts au plan international, il s’avère que les statistiques internationales souffrent d'un manque de fiabilité liées à de multiples facteurs qui sont décrits dans l'avertissement associé à chaque fiche. Les chiffres doivent le plus souvent être considérés comme des ordres de grandeur, ce sont les évolutions temporelles, les dynamiques qui traduisent le mieux les marchés et leurs évolutions. En cas d’enjeux économiques importants pour une entreprise, il est fortement recommandé de faire appel à une ou plusieurs expertises externes.
Le COMES, par une revue à minima annuelle, s'efforce d'actualiser les informations. Les lecteurs sont invités à communiquer au BRGM (contact) toutes réactions ou suggestions sur cette base d'information.
La version publique de ces documents, téléchargeable ci-dessus, est destinée à une large diffusion dans un but de sensibilisation des acteurs de l'économie et d'information générale.
Pour plus d'informations sur la méthodologie d'élaboration des fiches, téléchargez la notice méthodologique.
Politiques publiques et méthodologie en matière de criticité
La criticité des métaux est un sujet complexe qui a fait l'objet de nombreux travaux depuis une dizaine d'années. C'est une notion variable dans le temps qui s'exprime selon deux axes : la disponibilité de la substance et son importance économique. Elle se traduit la plupart du temps par un signal prix qui incite les acteurs économiques à prendre des dispositions pour en atténuer les effets, soit en augmentant la disponibilité (nouvelles ressources) soit en réduisant les besoins (changements technologiques). Dans ce contexte la connaissance et la compréhension de la chaine de valeurs de chaque substance revêt une importance particulière pour l'anticipation des besoins.
Prise de conscience de la criticité des métaux
Le suivi au cours du temps de l'évolution des prix des métaux de base est un bon indicateur du climat économique global. Les acteurs économiques, industriels ou étatiques, peuvent se trouver confrontés à des difficultés d'approvisionnement en matières premières. Ils peuvent donc être amenés à prendre de nouvelles dispositions en jouant sur deux leviers:
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augmenter la disponibilité des ressources. Suite au 1er choc pétrolier, l'Etat français a ainsi lancé les ambitieux programmes "Plan Cuivre" et "Inventaire Minier National";
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réduire les besoins, en choisissant de substituer les substances problématiques par d'autres, procédant ainsi à un changement technologique.
Depuis le milieu des années 2000 et l'essor de la croissance économique chinoise, la très forte augmentation des prix des métaux a permis le développement de diverses initiatives visant à évaluer la criticité des matières premières minérales:
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2007 : Plusieurs études sur les matières premières minérales critiques pour l'économie des Etats-Unis (étude de l'USGS, étude du NRC, étude du Ministère de l'Energie, ...);
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2007 : création de l'International Resource Panel par le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement), qui a publié depuis 2009 une succession de rapports sur la criticité des métaux, leur recyclage, leur potentiel de substitution, etc.
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2008 : adoption par la Commission Européenne de la "Raw Material Initiative" pour définir une stratégie sur la problématique de l'accès de l'UE aux matières premières. Publication de "Listes de Matières Premières Critiques". Une première version, élaborée en 2009-2010, a été publiée en juillet 2010. Elle a été suivie de 3 mises à jour, l'une publiée en mai 2014, l'autre en septembre 2017 et la dernière en septembre 2020.
La prise de conscience de la dépendance et de la vulnérabilité de la France pour ses approvisionnements en matières premières minérales s'est traduite par quelques initiatives fortes, parmi lesquelles:
- Janvier 2010 : Lancement d'un "Plan d'Action pour les métaux stratégiques", concrétisé par la réalisation de panoramas sur les marchés des métaux mineurs, à commencer par le gallium, le germanium, le niobium, et les terres rares avec une évaluation de leur criticité (BRGM) ;
- 24 janvier 2011 : Création du comité pour les métaux stratégiques, chargé "d'assister le ministre chargé des mines dans l'élaboration et la mise en œuvre de la politique de gestion des métaux stratégiques, en vue de renforcer la sécurité d'approvisionnement nécessaire à la compétitivité durable de l'économie" ;
- 2012 : Lancement du programme de "Réévaluation du potentiel ;minier français", à travers une reprise des données acquises lors de l'Inventaire Minier National
- 2013 : Création du "Comité Stratégique de Filière (CSF) des industries extractives et de première transformation", maintenant "Mines et métallurgie" depuis 2019.
De nombreuses autres études et revues de criticité des matières premières minérales sont également réalisées à travers le monde, comme au Royaume-Uni (BGS), en Allemagne (BGR, Fraunhofer Institute) ou encore au Japon.
Ces dernières années, ces travaux s'intéressent de plus en plus aux nouvelles demandes en ressources minérales induites par la transition énergétique. C'est notamment le cas de l'Agence Internationale de l'Energie (étude de mai 2021), ou encore de la Banque Mondiale (étude de mai 2020).
Comment évaluer la criticité d'une substance ?
Pour un acteur économique industriel ou étatique, la criticité d'une substance minérale s'apprécie classiquement selon deux axes :
Les risques pesant sur les approvisionnements ("Supply Risk", SR) : quels sont les risques pesant sur la pérennité et la suffisance des approvisionnements ?
L'importance économique ("Economic Importance", EI), reflétant la vulnérabilité de l'économie à une éventuelle pénurie d'approvisionnement – qui se traduirait par une envolée des prix –, voire à une rupture d'approvisionnement.
Pour l'US National Research Council (2007) ou la Commission Européenne (2010), un métal ou un minéral est "critique" s'il est à la fois essentiel dans son usage et sujet à d'éventuelles restrictions d'approvisionnement. De très nombreuses études ont été menées ces dernières années sur cette criticité, et continuent à être publiées, aussi bien de la part des institutions que de la part de certaines entreprises. Il existe diverses variantes d'évaluation de la criticité des matières premières minérales (MPM), mais toutes en général convergent sur l'analyse de ces deux paramètres.
Différentes approches de la criticité
Une première approche, notamment utilisée par la Commission européenne ou par le BRGM, définit des seuils tant sur les risques pesant sur les approvisionnements que sur l'importance économique de la substance, au delà desquels celle-ci est jugée critique. Cette approche est dichotomique : la substance est critique, ou non-critique. Une autre approche, graduelle, classe les substances plus critiques les unes par rapport aux autres. C'est notamment le cas de la méthodologie américaine.
D'autre part, l'évaluation de la criticité d'une substance est très dépendante du périmètre pris en compte dans l'étude. Ainsi, l'étude menée à l'échelle de l'Union Européenne ou des Etats-Unis englobe des enjeux économiques et politiques extrêmement larges.
Les "listes de substances critiques" ainsi produites auront, elles-aussi, des impacts économiques et politiques extrêmement forts. A un autre niveau, les entreprises peuvent elles-aussi mener des études internes sur la criticité des matières premières dont elles s'approvisionnent.
Les résultats peuvent être extrêmement divergents de ceux publiés par la Commission Européenne par exemple, dans la mesure où une substance peut apparaître absolument indispensable et non-substituable dans un procédé industriel. Ces approches internes aux entreprises présentent des enjeux de compétitivité.
Une autre approche est développée par le World Materials Forum. La méthodologie se base sur la définition de 6 critères d'évaluation de la criticité:
- Le nombre d'années de réserves connues
- L'incertitude sur l'approvisionnement
- L'exposition aux changements politiques sur l'approvisionnement
- Le taux de recyclage
- La vulnérabilité à l'absence de substitution
L'évaluation, renouvelée tous les ans et présentée lors du Congrès du World Materials Forum à Nancy, est réalisée par le BRGM, CRU et McKinsey. Cet outil, principalement à destination des industriels, permet un suivi dynamique des niveaux de risque à l'échelle mondiale.
Quels paramètres choisir pour évaluer la criticité d'une substance ?
Pour un acteur économique ou une économie, la criticité d'une substance minérale s'apprécie selon deux axes : les risques d'approvisionnement et l'impact économique.
L'impact économique est du ressort des entreprises et s'évalue en appréciant principalement les conséquences d'une rupture totale de l'approvisionnement et en calculant la sensibilité du coût de revient à l'évolution des prix. Cependant, la complexité des systèmes et des filières de production spécifiques à chaque sous-système (par exemple un pot catalytique dans une voiture), le développement généralisé de chaînes de sous-traitance à multiples niveaux et la banalisation des concepts de « juste à temps » et de « zéro stock » font que beaucoup d’industriels produisant un produit fini n’ont qu’une visibilité, voire une connaissance, très limitée des métaux et ou des ressources minérales entrant dans leur composition, c'est le premier facteur de risque.
Les risques d'approvisionnement se distribuent sur toute la chaîne de valeur. Celle-ci commence avec la découverte géologique d’une ressource valorisable, puis sa mise en exploitation pour aboutir à la production et la commercialisation d’un produit qui peut être un système parfois très complexe, tel qu’un avion ou une voiture, comportant donc de nombreux sous-ensembles. Chaque maillon de la chaine de valeur est appréhendé afin d'analyser les risques qui pèsent sur cette phase. Les risques sont nombreux, comme l'illustre le schéma ci-contre. Le potentiel de recyclage et de substitution peuvent mitiger les risques de disponibilité des produits miniers et s'inscrit dans la démarche positive de l'économie circulaire
Au-delà de ces facteurs, le facteur temporel doit être pris en compte. La flexibilité de l'offre minière pour répondre à une éventuelle forte hausse de la demande (en cas d'évolutions technologiques par exemple) est limitée par les délais nécessaires pour mettre en œuvre de nouveaux projets miniers, qui est en moyenne de 10 à 20 ans. Ces décalages inévitables contribuent à la volatilité et à une certaine cyclicité des prix, lesquelles sont par ailleurs amplifiées par la spéculation.