La mobilité bas-carbone : choix technologiques, enjeux matières et opportunités industrielles
Plan de programmation des ressources - Rapport 3
Ministère de la transition écologique
Etudier les technologies associées à l’électrification des mobilités : batteries et piles à combustible
La mobilité recouvre le transport de passagers et de marchandises, qui sont des marchés de masse en forte croissance et aux impacts environnementaux importants.
Au niveau mondial, 24 % des émissions de CO2 sont ainsi imputables à la mobilité. Plusieurs axes sont envisageables pour réduire ces émissions, dont la sobriété en matière de transports, l’augmentation de l’efficacité énergétique et l’électrification des modes de transport. Ce rapport étudie les technologies associées à cette électrification, dont les principales seront à l’horizon 2030 les batteries et les piles à combustible. Leurs caractéristiques les rendent complémentaires et les solutions technologiques optimales dépendent des spécificités de chaque usage, notamment de la distance parcourue, du tonnage à transporter et des infrastructures disponibles. Pour le transport de personnes ou de faibles tonnages sur de courtes distances, des batteries de petites dimensions sont suffisantes. Lorsque le besoin d’autonomie augmente, le poids du système batterie croît et l’hydrogène peut être intéressant, seul ou en complément d’une batterie. Pour les forts tonnages et les très longues distances, l’hydrogène et d’autres technologies sont envisageables, comme les biocarburants ou la route électrique (« recharge en roulant »).
Les batteries lithium-ion, solution d’électrification la plus courante
À l’horizon 2030, les batteries lithium-ion (« li-ion ») devraient rester l’alternative la plus courante pour les véhicules électriques légers. Ces technologies ont connu une forte baisse de leurs coûts de fabrication au cours des dernières années. Elles présentent également le meilleur compromis pour les véhicules électriques, en terme de densité d’énergie, de durée de vie et de conditions de fonctionnement et continuent à bénéficier d’améliorations incrémentales. Ces avancées technologiques des batteries li-ion contribuent au fort développement du véhicule électrique (à batterie et hybride), et les principaux constructeurs automobiles prévoient de cesser de commercialiser des véhicules thermiques entre 2030 et 2040. L’Europe représente en 2020 43 % du marché mondial des véhicules électriques avec 1,4 million de véhicules neufs vendus. L’agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit 25 millions de véhicules électriques vendus en 2030 pour un stock de 140 millions de véhicules électriques en circulation à cet horizon, sur un total de près de 2 milliards. Cette industrialisation et le développement massif de la mobilité électrique nécessitent des investissements importants dans des capacités de production de batteries, puisque plusieurs milliers de GWh de batteries seront nécessaires chaque année et qu’une unité de production (gigafactory) nécessite un investissement de l’ordre du milliard d’euros pour une capacité de production de l’ordre de 15 GWh/an. En attendant une éventuelle rupture technologique avec des batteries tout-solide, plusieurs types d’électrodes positives coexistent au sein de la famille des batteries li-ion.
Le plan de programmation des ressources
Les travaux du plan de programmation des ressources ont été initiés en 2019 par une commande de la Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique pour répondre à l'action 5 de la feuille de route sur l'économie circulaire prévoit que le ministère chargé de l’environnement « engagera sur la base des travaux du comité pour les métaux stratégiques et du premier plan national des ressources, un plan de programmation des ressources jugées les plus stratégiques en l'accompagnant d'une politique industrielle ambitieuse de valorisation du stock de matières, en particulier pour les métaux critiques, contenues dans les déchets ».
L’objectif de ce travail présidé par Mme Dominique Viel et appuyé par M. Alain Geldron est de caractériser les technologies bas-carbone et leur contenu en ressources minérales, d’identifier les enjeux économiques environnementaux et sociaux associés, de mettre en lumière les opportunités industrielles et de développer les capacités de recyclage.
Des besoins en matière différents selon le type de batterie lithium-ion : un besoin croissant en métaux et donc en minéraux
Les plus répandues pour les usages de la mobilité sont les types NMC (nickel-manganèse-cobalt), NCA (nickel-cobalt-aluminium) et LFP (lithium-fer-phosphate). Les batteries NMC sont actuellement majoritaires, mais les technologies LFP présentent l’intérêt de ne nécessiter ni de nickel, ni de cobalt et d’être plus sûres en contrepartie d’une densité d’énergie moins avantageuse. La tendance qui se dessine actuellement est à une limitation des quantités de nickel et de cobalt dans toutes les nouvelles générations de batteries, mais le développement exponentiel du marché du véhicule électrique va induire une forte augmentation de la consommation des métaux de batteries. La tendance à l’augmentation de la taille et de la puissance des batteries fait également croître les besoins en minéraux.
Un enjeu pour l’approvisionnement en lithium, nickel, cobalt, graphite et manganèse
L’AIE prévoit ainsi une multiplication par au moins 10 des consommations de lithium, cobalt et nickel pour les batteries d’ici à 2030, et une augmentation d‘un facteur au moins 7 pour le graphite et le manganèse. Des difficultés d’approvisionnement sont envisageables à cet horizon pour le cobalt et le nickel, notamment en raison de la concentration de leur production et de leur raffinage dans des zones géopolitiquement sensibles d’Afrique et d’Asie. Les industriels européens de la mobilité bas-carbone sont exposés de façon croissante au coût de leurs matières premières et aux difficultés de transport depuis les lieux d’extraction et de raffinage. Ces risques d’approvisionnement sont doublés d’impacts environnementaux et sociaux importants dans les pays d’extraction. Néanmoins, les analyses de cycle de vie conduites sur le véhicule électrique concluent à de moindres émissions de gaz à effet de serre par rapport aux véhicules thermiques. En France, les émissions sur le cycle de vie d’un véhicule électrique sont même trois fois inférieures à celles des véhicules thermiques, grâce à une production d’électricité peu carbonée.
Des impacts réels, mais atténuables
Les impacts environnementaux et sociaux des chaînes de valeur du véhicule électrique peuvent de plus être atténués, grâce à de nouveaux procédés d’extraction et de transformation moins énergivores et moins polluants qui sont développés par des entreprises et des laboratoires européens et français. Ces nouveaux développements constituent des opportunités sur les plans économiques et environnementaux, mais aussi stratégiques puisqu’ils pourraient réduire la dépendance aux importations de matières premières. Le développement de sites d’extraction et de transformation des matières premières en France et en Europe permet également de valoriser des mix électriques faiblement carbonés, en particulier pour les étapes les plus énergivores.
Des opportunités pour l’industrie française
Les opportunités pour la France, liées à ses compétences, sur l’amont de la chaîne de valeur des batteries, se situent dans l’extraction de lithium issu de gisements non conventionnels, le raffinage de nickel et de cobalt, la production de poudre de graphite synthétique, les procédés de dopage des électrodes en graphite, la chimie du fluor (nécessaire aux électrolytes des batteries et piles à combustible) et la production secondaire de métaux. La saisie de ces opportunités permettra de répondre à la demande croissante des industriels de l’automobile en matières premières, produites dans des conditions acceptables sur le plan humain, social et environnemental, tout en limitant les risques de fluctuation des prix et les tensions d’approvisionnement.
Le recyclage insusceptible de répondre à lui seul aux besoins nécessaires à l’électrification, mais à anticiper
Si le recyclage des batteries ne permettra pas de subvenir aux besoins en matières premières des industriels au cours des années 2020, il convient d’anticiper dès à présent l’arrivée de flux massifs de batteries usagées aux cours des prochaines années, et de mettre en place l’infrastructure industrielle et des réglementations qui permettront de valoriser ce gisement européen dans les meilleures conditions. L’intégration dès la conception des batteries des principes de l’écoconception permet d’anticiper les étapes de recyclage et peut constituer un avantage concurrentiel pour l’Europe.
Des perspectives également pour les technologies hydrogène
La filière de l’hydrogène, en cours de structuration, offre des opportunités significatives pour l’industrie européenne. Stratégique car concernant de nombreux usages (à commencer par l’industrie, mais aussi les réseaux et la mobilité), cette filière doit être protégée et soutenue au niveau national et européen. Les principes de l’économie circulaire sont par ailleurs à intégrer dès maintenant par les industriels afin de garantir, quand les flux de produits en fin de vie seront suffisants, un recyclage à haute valeur ajoutée, comme présenté dans le rapport d’étape n°2« Les réseaux électriques lignes électriques, stockage stationnaire et réseaux intelligents ».
Des besoins spécifiques aux moteurs électriques : cuivre et terres rares
Les moteurs présents dans les véhicules électriques nécessitent des quantités significatives de cuivre et de terres rares, néodyme, praséodyme et dysprosium. La demande pour ces terres rares utilisées dans les aimants permanents pourrait être multipliée par 10 d’ici 2030, et un déficit d’offre pourrait intervenir à court terme. Les enjeux et vulnérabilités relatifs aux terres rares seront étudiés dans le prochain rapport d’étape consacré à l’éolien.