Face à l’anticipation des besoins en cobalt pour le stockage d’énergie et la fabrication de véhicules électriques, de nombreux scénarios alarmants sur de probables « pénuries » de l’offre à l’horizon 2020 ont vu le jour. Pour mieux appréhender la réalité de tels scénarios, il est nécessaire de prendre en compte un certain nombre de paramètres géologiques ainsi que l’évolution récente des circuits de production, de cotation et d’échanges de cobalt à l’échelle mondiale.
3 décembre 2018
Usages mondiaux du cobalt en 2012 et 2017

Consommation totale de cobalt par usage en 2012 et 2017

© BRGM, Darton Commodities 2013 et 2018

Une demande en cobalt qui explose

L’augmentation du prix du cobalt depuis 2017 en a fait l’un des métaux les plus recherchés du monde industriel et financier. Ce marché représente désormais environ 8,8 milliards de dollars (GUS$) contre 2,7 GUS$ en 2014. La première raison de cette frénésie est son usage indispensable dans les technologies de batteries rechargeables de type Lithium-ion (Li-ion), dont le principal marché est aujourd’hui la mobilité électrique. Or, pas moins d’une trentaine de modèles de véhicules électriques ont été annoncés par les différents constructeurs en moins de 2 ans. Le nombre de véhicules électriques en circulation dans le monde est passé d’une dizaine de milliers en 2010 à près de 3 millions en 2017, représentant à ce jour environ 2% des ventes totales de véhicules légers.

L’impact est majeur sur la demande mondiale en cobalt, comme illustré ci-dessous. En 5 ans, les tonnages consommés ont augmenté de 30%, soit 30 000 t (30 kt). L’essentiel de cette augmentation a été porté par le secteur des batteries rechargeables. Cette part de marché ne cesse de croître.

Utilisations du cobalt dans les cathodes de batteries Li-ion

Utilisations du cobalt dans les cathodes de batteries Li-ion

© BRGM

Usages du cobalt dans les batteries Li-ion

Les batteries rechargeables ou accumulateurs sont de plusieurs types. Les technologies Li-ion se sont développées à grande échelle à partir de la fin des années 1990, en particulier pour des applications portables, remplaçant progressivement les technologies NiCd et NiMH dans un certain nombre de secteurs. L’explication réside dans une meilleure densité d’énergie, à savoir que les batteries Li-ion sont actuellement celles qui ont la plus grande capacité d’accumulation d’énergie par unité de masse.

Le cobalt entre dans la composition de trois types de cathodes de batteries Li-ion. La présence de cobalt permet d’accroître leur densité d’énergie ainsi qu’augmenter leur stabilité et leur longévité. Le tableau suivant résume les possibilités d’utilisations du cobalt dans ces différentes cathodes.

Pour beaucoup de constructeurs automobiles, les technologies Li-ion ont semblé le meilleur compromis entre les performances, la légèreté, la fiabilité, la durée de vie, et le coût de fabrication des batteries pour leurs futurs véhicules électriques. Un grand nombre d’alternatives existe cependant, dont des technologies n’utilisant que peu voire pas de cobalt, comme les LFP (Lithium Phosphate de Fer) utilisées par exemple pour la majorité des bus électriques, ou encore les LMP (Lithium-Metal Polymère), développées pour la BlueCar du groupe Bolloré. Or, toutes ces technologies et les choix des fabricants sont encore promis à de nombreuses évolutions. La dépendance au cobalt a souvent été identifiée par les constructeurs comme un facteur déterminant du développement des modèles de grande série. Néanmoins, substituer partiellement (voire totalement) le cobalt dans une technologie donnée demeure un exercice complexe. Le constat est donc sans appel : le basculement vers un parc automobile à dominante électrique ne se fera pas sans une augmentation conséquente de la consommation mondiale de cobalt.

Face à ce constat, des risques pèsent sur la structure traditionnelle du marché du cobalt, car les batteries rechargeables ne sont qu’une des applications où ce métal est indispensable. Les autres débouchés sont, par ordre d’importance : les superalliages (16% soit environ 17 kt consommés en 2017), les carbures cémentés et outils diamantés (7 %), la catalyse (6 %), les pigments (5 %), les aimants permanents samarium-cobalt (3 %), et diverses applications dont certains alliages, les agents séchants et les pneumatiques1. Le paradoxe est que la demande pour ces différents secteurs est également en croissance. Par exemple, celui des superalliages à base de nickel et de cobalt, principalement utilisés en aéronautique dans les parties chaudes des réacteurs d’avion. Ce marché est porté par une forte dynamique de commandes d’avions à l’échelle mondiale (1 500 commandes pour les seuls constructeurs Boeing et Airbus en 2018) et devrait nécessiter à lui seul quelques dizaines de milliers de tonnes de cobalt supplémentaires par an à l’horizon 2025.

L’anticipation d’une telle augmentation de la demande face à une production mondiale jusque-là relativement modeste (moins de 100 kt/an jusqu’à 2016) entraîne d’importantes modifications des circuits de production mondiaux.

Inventaire des ressources mondiales de cobalt en 2017

Inventaire des ressources mondiales de cobalt en 2017

© BRGM

Ressources de cobalt à l’échelle mondiale

La carte suivante présente un inventaire des ressources connues en 2017 en fonction des projets répertoriés. Elle illustre l’inégalité de répartition et la diversité des possibilités gîtologiques et géologiques des gisements de cobalt. Il existe 5 typologies principales, dont 4 donnent lieu à une extraction industrielle à ce jour. Leurs principales caractéristiques sont présentées schématiquement dans le tableau suivant, ainsi que leur part respective des ressources et de la production mondiale. Dans ce classement, les ressources totales sont d’environ 11 Mt de cobalt contenu, pour des réserves estimées à 3,9 Mt.2

Répartition des principaux gisements de cobalt mondiaux en 2017

Répartition des principaux gisements de cobalt mondiaux selon leur tonnage, teneur et typologie en 2017 (échelle logarithmique)

© BRGM, S&P Global

Il est possible de rajouter un critère de classification de ces ressources : la taille des gisements par rapport à leur teneur respective, schéma classique dans l’industrie minière. Dans le graphe suivant, l’importance des gisements intra-sédimentaires de la Copper Belt dans le panorama mondial est soulignée. Ainsi, les gisements de Mutanda, Kamoto et Tenke-Fungurume, tous les trois situés en République Démocratique du Congo (RDC), contiennent individuellement des ressources de plus de 2 Mt de cobalt contenu et représentent à eux seuls 60% des réserves et 66% des ressources mondiales documentées en 2017. En termes de comparaison, les principaux gisements associés à des dépôts de type nickel latéritique (par exemple Murrin Murrin, Ambatovi, Goro) ou de type magmatique sulfuré (Voisey’s Bay, Sudbury) ont des ressources de l’ordre 0,2 Mt à 0,3 Mt Co, avec des teneurs généralement beaucoup plus basses (0,01% 0 à 0,1%). 

Ce graphe permet d’illustrer également que l’origine de la domination de la RDC sur l’exploitation mondiale de cobalt tient en premier lieu à des facteurs géologiques, qui ont cristallisé par la suite un certain nombre d’enjeux géopolitiques.

Hétérogénite (minerai de cobalt) à Lumbumbashi (République Démocratique du Congo)

Hétérogénite (minerai de cobalt) à Lumbumbashi (République Démocratique du Congo)

© BRGM - M. Chevillard

Compétitivité des producteurs et adaptation des circuits traditionnels avec l’avènement des batteries Li-ion

Poids des gisements de la Copper Belt dans la production mondiale

Fait bien connu lorsqu’il s’agit de cobalt, la RDC est le premier producteur minier mondial depuis de nombreuses années. Entre 2006 et 2016, sa part est passée de 45% à 60%. Des facteurs à la fois géologiques et économiques expliquent cette situation.

Du point de vue géologique, la dénomination de « Copper Belt » fait référence à un contexte géologique unique.  Cette « ceinture » rocheuse hébergeant des gisements de cuivre et de cobalt s’étend sur une région de plus de 500 km de long, à la fois en RDC dans les provinces du Lualaba et Haut-Katanga (Kolwezi, Lubumbashi) et en Zambie. Ce sont des gisements d’origine sédimentaire. Le cobalt et le cuivre provenant des sédiments ont été concentrés par des processus diagénétiques dans un environnement proche du rivage ou d'une lagune saline. Les minéralisations primaires sulfurées (portées par des minéraux tels que chalcopyrite, carrollite, linnéite, chalcocite, etc.) ont subi les effets de conditions d’érosion particulières. Cette altération supergène ainsi que l’action de processus métamorphiques ont conduit à des remobilisations et reconcentrations des métaux, lessivant les sulfures pour former des minéraux oxydés particulièrement enrichis. Pour le cobalt, c’est en particulier l’hétérogénite, minéral spécifique à ce contexte, qui permet d’atteindre des concentrations naturelles de cobalt dans les minerais de 0,4% Co à 0,8% Co, ce qui est par exemple 5 fois supérieur à celles des minerais de nickel latéritique. Les zones concernées étant de très grande envergure, l’exploitation du cuivre et du cobalt est naturellement facilitée dans la zone de la Copper Belt, y compris sous forme artisanale car les minéraux oxydés sont portés par des roches relativement tendres.

S’ajoute à cela l’émergence d’un procédé métallurgique ayant permis des économies d’échelles importantes. Il s’agit du procédé hydrométallurgique SX-EW (Solvent Extraction-Electro Winning), développé dès 1968 en Arizona. Il a progressivement remplacé de manière avantageuse la pyrométallurgie pour des minerais de cuivre oxydés. En RDC, il est aujourd’hui utilisé par la majeure partie des opérateurs industriels. Il permet la production de cathodes de cuivre métal ainsi que celle de cobalt de manière économique car intégrées dans le même procédé. Le processus implique une première étape de lixiviation du minerai par l’acide sulfurique (H2SO4), à température ambiante. L'étape d'extraction par solvant (SX) consiste à mettre la solution formée en contact avec un solvant organique. Cela conduit à la séparation d'une phase aqueuse contenant le cuivre. Celui-ci est ensuite traité par électrolyse (EW) pour former une cathode de cuivre métallique (produit fini à 99,99%). La solution résiduelle contient du cobalt et d'autres impuretés. Le cobalt peut ainsi être récupéré, par précipitation par la chaux du solvant, sous forme d'hydroxydes Co(OH)2. Autrefois transformés en cobalt métal par une étape d’électrolyse supplémentaire, ces hydroxydes de cobalt sont aujourd’hui des intermédiaires extrêmement intéressants pour la fabrication des précurseurs des batteries Li-ion. Ils sont vendus tels quels, ce qui est extrêmement rentable pour les exploitants. Avec l’explosion des prix du cobalt en 2017, le revenu de certaines opérations a même été dominé par la vente de cobalt malgré des tonnages inférieurs, ce qui en a fait le produit d’exploitation principal de certaines mines de la Copper Belt, aux dépens du cuivre.

Ce sont donc ces facteurs qui jouent en priorité comme avantages compétitifs majeurs des producteurs industriels de cobalt de la Copper Belt, et leur part largement dominante dans la production mondiale.

Comparaison des coûts des producteurs de cobalt en 2018

Comparaison des coûts des producteurs de cobalt en 2018

© BRGM, S&P Global

Comparaison des projets mondiaux par coûts de production et enjeux liés aux procédés utilisés

Plusieurs critères permettent de comparer les projets miniers entre eux, en particulier le type de graphique ci-dessous pouvant être appelé « courbe de cash cost ». Il représente la production cumulée (en %) des productions minières répertoriées dans le monde (axe des abscisses), en fonction de leur « cash cost » (axe des ordonnées). Le cash cost correspond globalement au coût unitaire (ici en US$) pour extraire 1 tonne de cobalt métal. Le calcul de ce paramètre prend en compte les coûts liés à l’exploitation minière d’un site (extraction, traitement, administration, redevances, taxes) sans pour autant comprendre l’amortissement ou la réhabilitation du site. Il prend également en compte les coûts et revenus assurés par les co-produits ou sous-produits sur le site d’exploitation, ce qui peut jouer un rôle important. Ainsi, le coût unitaire de production de cobalt est d’autant plus bas que les productions de nickel, cuivre ou platinoïdes (cas de Nornickel) sont importantes ou rentables sur un site donné. La hauteur des colonnes correspond directement au coût de production unitaire. La largeur représente la part de chaque exploitation dans la production mondiale.

Cette représentation confirme l’avantage comparatif des gisements de RDC (en particulier Mutanda, Tenke Fungurume, Kamoto, Etoile, Ruashi), pour des raisons économiques liées aux procédés métallurgiques pouvant être employés sur les gisements et minerais de la Copper Belt. 

Synthèse des avantages/inconvénients comparatifs des procédés SX-EW et HPAL

Synthèse des avantages/inconvénients comparatifs des procédés SX-EW et HPAL

© BRGM

Le 2e type d’exploitation par ordre d’importance est celui des minerais de nickel latéritique. Pour la production de cobalt en sous-produit4, le modèle dominant est le procédé hydrométallurgique HPAL (High Pressure Acid Leaching), initié et breveté par l’entreprise américaine Sherritt dans les années 1960. Or, la plupart des projets utilisant le procédé HPAL se retrouvent dans les colonnes les plus à droite (en particulier, Taganito, Moa Bay, Ramu, Murrin Murrin, Goro, Ambatovy). Ceci indique que leurs coûts unitaires d’exploitation sont les plus élevés du marché et que ces projets se classent parmi les moins rentables. A titre de remarque, la très forte hausse récente du prix du cobalt avantage cependant tous les producteurs, avec un prix moyen LME 2018 (courbe en pointillés verts) largement au-dessus du cash cost unitaire. Le prix moyen 2012 (courbe en pointillés jaunes) illustre la comparaison, à titre purement indicatif.

Le tableau ci-dessous reprend de manière simplifiée les principaux critères pénalisants du procédé HPAL par rapport au procédé SX-EW. L’exploitation du nickel et la volatilité historique du cours de ce métal jouent également un rôle dans ce classement.

Ces considérations expliquent également pourquoi certains projets de re-traitement de déchets miniers (ou tailings) d’anciennes exploitations de cuivre de la Copper Belt peuvent être avantagés par rapport à la mise en production de nouveaux gisements de cobalt découverts récemment dans d’autres régions du monde.

Les minerais contenus dans ces stériles ou résidus de traitement sont des minerais oxydés enrichis en cobalt, n’ayant pas été récupérés lors de la première exploitation par manque d’intérêt économique. Or, leur teneur est souvent supérieure à certains gisements en terre (0,3% voire jusqu’à 2% Co pour le gisement du Terril de Lumbumbashi/Big Hill) et leur exploitation, envisagée aujourd’hui par le procédé SX-EW (voire par des processus complémentaires de bio-lixiviation) est très compétitive. Ils représentent la source la plus probable de cobalt additionnel sur le marché mondial d’ici à 2020. Le principal en activité est le Groupement du Terril de Lumbumbashi avec une capacité de 5,5 kt et un accord d’enlèvement (ou offtake) avec Glencore. Le projet Kolweisi Tailings (RTR Metalkol) opéré par ERG a reçu un investissement de 2,2 GUS$, en partie financé par la Chine et produira à partir de 2019 de l’ordre de 10 kt à 15 kt Co. D’autres projets pourraient prendre le relais, comme le projet Kipushi (Cape Lambert Resources) avec une capacité annoncée de 4 kt Co d’ici 2021.

Un marché en mutation

Adaptation des circuits de production à une demande nouvelle : exemple de Nornickel

La pyrométallurgie est une autre alternative pour la production de cobalt en sous-produit, utilisée par un certain nombre d’exploitants (en particulier Voisey‘s Bay, Sudbury, Norilsk). Dans ces cas, le produit intermédiaire obtenu est très souvent une « matte de nickel », produit contenant soufre, nickel et cobalt mélangés. La suite des étapes de transformation vise à séparer et purifier ces différents éléments en fonction de la forme et la pureté des produits commercialisés. Par exemple, sous forme de petites pièces métalliques de Co métal (appelées « rounds and coins ») comme l’exploitant Vale à Sudbury et Voisey’s Bay. Dans le cas de Nornickel, c’était sous forme de lingots que le cobalt en sous-produit de l’exploitation du nickel et des platinoïdes issus de la raffinerie à Norilsk (Russie) était vendu. En 2016, la société a arrêté cette production. En complément, un plan d’investissements de 1,5 GUS$ a été lancé pour moderniser les installations à Nadezhda, Talnakh et Monchegorsk. Une nouvelle ligne de production de cathodes de cobalt de haute pureté est devenue opérationnelle dans cette dernière raffinerie fin 2015. Après une montée en production progressive, la production de cobalt raffiné de Norilsk en 2017 est de 1,4 kt de Co métal, 0,9 kt de sulfates de cobalt (issus de la raffinerie de Harjavalta en Finlande) et 2 kt de concentrés d’hydroxydes de cobalt.

Cette restructuration n’est qu’un des exemples d’adaptation des producteurs à la nouvelle structure du marché, s’orientant vers des produits de qualités différentes, spécifiques à la filière « batteries ». La demande croissante de sulfates de cobalt et de nickel de haute pureté est l’une des caractéristiques de ces modifications structurelles5.

Annonce des principaux partenariats sur le marché des batteries lithium-ion en 2018

Annonce des principaux partenariats sur le marché des batteries lithium-ion en 2018

© V. Ledoux Pedaille - IHS Markit

Stratégies émergentes pour la sécurisation des approvisionnements

La course aux partenariats pour les constructeurs automobiles

En 2017, dans un contexte où une tension sur l’offre en cobalt est apparue, le schéma de cotation traditionnel s’est avéré mettre en difficulté les acteurs en aval, en particulier les constructeurs automobiles, non familiers de l’achat direct de cette matière première.

En effet, malgré la cotation publique du cobalt depuis 2010 sur le London Metal Exchange (LME), la majorité des contrats s’effectue en dehors des places de marchés directement entre producteurs et utilisateurs, pour des raisons de taille de marché et de spécificité des produits. Le modèle privilégié est celui de contrats d’enlèvement (ou «offtake »), assurant la sécurisation de l’achat d’une production donnée à un prix fixé à l’avance, sous de nombreuses conditions contractuelles.

Les acheteurs traditionnels (fabricants de superalliages, fabricants de poudres métalliques etc.) ainsi qu’un certain nombre d’acteurs nouveaux (fabricants de précurseurs de batterie Li-ion) ayant acquis une position dominante sur l’achat à l’avance de cobalt, une partie de l’offre disponible a été de fait retirée du marché. C’est cette situation qui a alimenté des tensions, des craintes de pénurie (en particulier de la part des constructeurs automobiles) et l’augmentation mécanique des prix.

Les premières tentatives de réponses de ces acteurs se sont soldées par des échecs, illustrant la nécessaire maîtrise des mécanismes financiers de ce type très particulier de contrats (exemple de Volkswagen ayant ouvert sans succès un marché public de 3 GUS$ à destination des producteurs de cobalt en septembre 2017).

Le modèle semblant s’imposer désormais pour les constructeurs automobiles est celui d’« accords imbriqués », ayant pour intermédiaires les principales compagnies productrices de précurseurs des batteries à partir des matières premières (lithium, cobalt, nickel). L’image ci-dessous illustre cette situation de « course aux partenariats », rassemblant la majeure partie des annonces faites au cours de la seule année 2018.

Emergence de nouveaux acteurs financiers

Une autre stratégie pour la sécurisation des approvisionnements a été développée, notamment par le fonds d’investissement suisse Pala Investments et sa compagnie dédiée Cobalt 27. Elle consiste à des montages financiers d’un autre ordre, établis directement avec les compagnies minières : streaming deals et royalties.

Un « streaming deal » permet à un investisseur d’acheter un pourcentage de la production future d’une société minière à un prix fixe, inférieur à la valeur marchande. La production future est acquise par l’investisseur en versant au producteur un paiement de capital initial (ou une série de paiements) en échange d’un prix fixe convenu par unité de production pendant la durée de vie de la mine ou d’une durée définie. Ce type de contrat est inédit pour un métal tel que le cobalt. Il était traditionnellement privilégié en particulier pour les métaux précieux (or, argent) exploités en sous-produits de métaux de base (par exemple le cuivre).

En mai 2018, un premier accord a été annoncé pour un montant de 113 MUS$ concernant la production future de cobalt et de nickel de la mine Ramu en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette mine est détenue à 85% par Metallurgical Corporation of China (MCC). L’accord concerne la part minoritaire détenue Highlands Pacific (8,57%). Le paiement initial de Cobalt 27 permet toutefois à Highlands Pacific d’avancer le remboursement de l’emprunt (initialement prévu pour 2022) et de monter sa part à 11.3%. En juin, c’est l’achat de 75% de la future production de cobalt de l’exploitant Vale à Voisey’s Bay (Canada) qui a été annoncé pour un montant de 690 MUS$, avec l’aide du fonds Wheaton. L’accord prendrait effet à partir du 1er janvier 2021. Il coïncide avec l’annonce du producteur Vale d’une expansion de la mine via un investissement de 2 GUS$.

En outre, Cobalt 27 détient des royalties, c’est-à-dire une part des revenus de la production future, sur six propriétés au Canada et deux en Australie (projets Nyngan et Flemington en Nouvelle Galles du Sud, suite à une acquisition de 4,5 MUS$ auprès de Jervois Mining en 2018). Cette société devrait ainsi jouer un rôle important sur le marché futur du cobalt, avec des actifs exclusivement hors RDC représentant environ 10 kt de cobalt contenu.

 

Initiatives des gouvernements

Aux échelles nationales, les gouvernements ne sont pas en reste. En août 2018, le ministère japonais de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie a annoncé une initiative pour appuyer les constructeurs automobiles du pays dans la sécurisation de leurs chaînes d'approvisionnement en cobalt. D‘ici mars 2019, une structure sera mise en place, dont le mandat sera de signer des contrats de long terme avec des producteurs de cobalt « éthiques », voire d’investir dans de nouveaux projets de cobalt avec l’aide du gouvernement. Cette stratégie se rapproche de celle menée par le JOGMEC sur d’autres minerais critiques, comme les terres rares6.

En Europe, les gouvernements finlandais et suédois sont impliqués dans l’émergence d’une filière de production de cobalt, nickel, et lithium sur leur sol ainsi que la production de batteries Li-ion. Ainsi, les premières étapes de financement de la méga-usine Northvolt en Suède ont été atteintes en 2018. En Finlande, l’entreprise Terrafame portée par le gouvernement a pu relancer l’exploitation du gisement de Talvivaara pour la production de sulfates de nickel et cobalt par bio-lixiviation, avec une capacité annoncée de 5 kt de sulfates de cobalt et 150 kt de sulfates de nickel d’ici 2020.

Pourra-t-on se passer de la RDC pour l’avenir de la production mondiale de cobalt?

Les nombreux enjeux géopolitiques liés à la production de cobalt en RDC mènent à s’interroger sur le futur rôle du pays. Les intérêts économiques du secteur évoqués plus haut ont eu pour conséquences d’importantes modifications du jeu d’acteurs sur place lors des deux dernières décennies.

 

L’influence grandissante d’intérêts étrangers sur place

L’emprise d’acteurs et d’intérêts étrangers dans l’exploitation congolaise du cobalt est un point clé de compréhension du marché mondial. Parmi ces acteurs, deux en particulier se distinguent par leur influence et stratégies respectives. Le premier est Glencore, multinationale suisse spécialisée dans le négoce de matières premières. Très active dans le domaine minier, ses actifs sur le cobalt équivalent à environ 30 % de la production primaire mondiale. En RDC, Glencore contrôle la mine de Mutanda, premier producteur mondial en 2017 avec 23,9 kt Co contenu. A cela s’ajoute la mine de Kamoto/KOV ayant repris la production en 2018 après des investissements conséquents de modernisation, et une capacité annoncée de 11 kt, bien qu’arrêtée temporairement en novembre 2018 suite à une problématique de radioactivité du minerai. S’ajoutent également ses opérations minières à Sudbury (Canada) et Murrin Murrin (Australie), soit une capacité totale de près 38 kt Co contenu. Or, seule une faible part de cette production de cobalt est raffinée par Glencore (7 kt en 2017 selon Darton Commodities). La plupart de la production, en particulier celle des mines congolaises est vendue sous forme d’hydroxydes de cobalt, ces intermédiaires à haute valeur ajoutée particulièrement recherchés par les fabricants de précurseurs de batteries. En témoigne l’accord offtake signé en 2018 avec le groupe chinois G.E.M, fournisseur du fabricant de batteries CATL, concernant 13,8 kt en 2018, 18 kt en 2019, et 21 kt en 2020. La stratégie de l’entreprise peut ainsi être vue comme purement spéculative, n’étant impliquée qu’aux niveaux amonts de la chaîne de valeur et jouant le rôle de négociant à l’échelle mondiale. Elle s’assure néanmoins un contrôle certain sur les prix du cobalt du fait de sa part de marché conséquente. L’influence de cet acteur auprès du gouvernement de RDC et les différents contentieux qui les opposent sont également fondamentaux 7.

Parallèlement à cela, la croissance d’acteurs et d’intérêts chinois du secteur illustre une dynamique tout à fait différente. Celle-ci s’est accélérée ces dernières années, avec en 2016 l'acquisition de la mine de Tenke Fungurume, 2ème plus grosse mine de cobalt au monde, par la société China Molybdenum Co. Ltd. Avec cet achat, l’entreprise chinoise s’est assurée le contrôle de près de 15% de la production primaire de cobalt. D’autres compagnies chinoises, en particulier Huayou Cobalt, et le groupe Jinchuan ont également augmenté progressivement leurs investissements au Congo. La stratégie initiale était fondée sur l’exportation massive de concentrés et produits intermédiaires de cobalt de RDC directement en Chine pour être raffinés, facilitée par une présence sur place. Les quantités reportées par les bases de données de commerce mondial (Trade Map) vont jusqu’à 300 kt/an de minerais et concentrés pour les années 2015 et 2016. Le recours aux productions artisanales de sources non traçables pour alimenter ces exportations a également longtemps été pratique courante (la compagnie Zeijhang Huayou Cobalt a notamment été identifiée spécifiquement par Amnesty International en 2016). Par ces acteurs et des augmentations de capacité spectaculaires sur son territoire, la Chine est ainsi devenue en quelques années le 1er producteur mondial de cobalt raffiné 8.

Cette stratégie ne s’arrête pas là. Le modèle des entreprises chinoises s’oriente progressivement vers l’intégration verticale. Aujourd’hui, par des partenariats voire des fusions entre entreprises, le contrôle des coûts et de l’ensemble de la chaîne de valeur est progressivement assuré. Les entreprises exploitant des mines en RDC sont intégrées aux raffineurs et producteurs de précurseurs de batteries sur le territoire chinois. La formation de conglomérats d’ampleur internationale en aval de la chaîne, telles qu’aujourd’hui les multinationales G.E.M, C.A.T.L ou BYD, est un pilier de la stratégie chinoise. Celle-ci s’inscrit sur le long terme et vise à faire de ces acteurs des leaders mondiaux du stockage d’énergie et de la production de véhicules électriques.

 

Traçabilité, exploitation artisanale et travail des enfants

Les questions de traçabilité, d’exploitation artisanale et de travail des enfants sont des enjeux évidents de la production future de cobalt en RDC. Cependant, plusieurs précisions sont nécessaires. La présence d’enfants dans l’exploitation artisanale de minerais, dont le cobalt, et les conditions de travail de ces mines ont été dénoncées à juste titre à de nombreuses reprises, en particulier par Amnesty International (Rapport « This is what we die for » en 2016). Néanmoins, la médiatisation et la simplification outrancières de ce sujet vont parfois à l’encontre d’une compréhension plus fine des mécanismes sur place, voire des solutions à y apporter.

L’exploitation artisanale a d’abord des origines géologiques. Du fait de leur altération, les roches portant les minéraux oxydés tels que l’hétérogénite, naturellement enrichis en cobalt sont facilement exploitables sans machines industrielles. C’est ce qui explique le développement à grande échelle de leur exploitation à l’échelle artisanale, en particulier lorsque l’augmentation des prix internationaux les transforme en un moyen de subsistance, voire en une source de revenus conséquente. Le travail des enfants est une réalité bien distincte de celle des mines artisanales, en particulier parce qu’un grand nombre de ces sites fonctionnent via des structures organisées, ayant une hiérarchie et un fonctionnement propres.  

La question de traçabilité est également distincte. Elle désigne le fait que 10% à 20% de la production de cobalt de RDC est d’origine difficilement traçable (indiquant par la même occasion que 80% de cette production est issue des mines industrielles connues, présentées plus haut). Le gouvernement de RDC, estime ainsi que 5 à 25 kt de minerai seraient produites annuellement par des mineurs artisans et captées par des « négociants ». L’explication ici est que les « négociants » en question, souvent chinois, sont des acteurs industriels en mesure de réaliser les premières étapes de métallurgie, c’est-à-dire de produire des concentrés ou des intermédiaires sous forme d'hydroxydes Co(OH)2. Or, il est possible d’intégrer une partie du minerai d’origine artisanale avec un minerai d’origine industrielle pour obtenir des produits métallurgiques identiques. Toute traçabilité est alors perdue. Plusieurs sociétés chinoises implantées en RDC semblent avoir développé ces méthodes. Les liens entretenus avec le gouvernement central demeurent flous. L’intégration verticale progressive de ces acteurs renforce l’opacité de ces circuits.

 

Peu d’alternatives crédibles

Si l’approvisionnement en cobalt de RDC effraie un certain nombre de consommateurs du fait des risques géopolitiques, opérationnels et d’images évoqués, l’équation demeure complexe lorsqu’il s’agit de l’avenir de la production mondiale. Les avantages compétitifs des gisements de la Copper Belt mettent les acteurs cherchant des sources alternatives devant le compromis suivant : exploiter des gisements avec de faibles ressources en terres à des coûts d’exploitations plus élevés.

Toutefois, les juniors d’exploration ont largement profité du boom de la demande et des prix du cobalt. Plusieurs projets atteignent aujourd’hui les stades de la faisabilité, il s’agit notamment pour les plus avancés en Australie de Syerston (Clean TeQ) et Sconi (Australian Mines), NICO (Fortune Minerals) au Canada et Idaho Cobalt (eCobalt) aux Etats-Unis. Les perspectives d’entrée en production de ces gisements sont l’horizon 2021-2022 (au plus tôt) avec des capacités de l’ordre de 2 kt à 5 kt Co, trop faibles pour changer la physionomie du marché. De plus, les études de faisabilité économiques étant fondées sur les prix actuels du cobalt, elles pourraient subir les effets directs d’un prix d’équilibre futur plus bas, hypothèse réaliste à ce jour.

Du côté du recyclage, les circuits se développent. Ils sont néanmoins spécifiques à certains usages sous forme métal (de nombreux usages de composés chimiques du cobalt sont dispersifs) et ne présentent pas une capacité suffisante pour répondre à l’ensemble des besoins.

A court terme, force est donc de constater que la source la plus crédible de cobalt additionnel provient d’abord des projets de re-traitement de tailings de la Copperbelt (Groupement du Terril de Lumbumbashi, RTR Metalkol, Kipushi, etc.) qui devraient couvrir près de 20% de la production mondiale à l’horizon 2020, également soumis à des contrats d’enlèvement.

Cours du cobalt métal (LME) et du sulfate de cobalt en US$/t

Cours du cobalt métal (LME) et du sulfate de cobalt en US$/t

© BRGM, LME et Argus Media

Vers une évolution de la cotation du cobalt ?

Avec ces nombreuses évolutions, plusieurs facteurs pèsent encore sur l’évolution des prix du cobalt. L’un des principaux sujets est celui de l’émergence du marché des intermédiaires (hydroxydes et sulfates de cobalt), pour lesquels la fixation des prix demeure peu transparente à ce jour. Les sulfates et hydroxydes de cobalt, obtenus comme produits intermédiaires des différentes métallurgies à partir de l’acide sulfurique sont en effet devenus des intermédiaires recherchés pour la chimie des cathodes de batteries Li-ion. Ils représentent une part croissante des échanges de cobalt mondiaux depuis 2017.

Or, la référence de prix est celle du cobalt métal, notamment pour sa cotation au LME. Ainsi, la vente des intermédiaires était réalisée jusque-là sur la base d’un pourcentage du prix du métal (discount). Ce schéma n’est plus adapté et remis en question à la fois par les producteurs et les consommateurs demandant une meilleure transparence des prix pour une qualité donnée d'intermédiaires. La mise en place rapide d’une cotation distincte pourrait avoir pour avantage de limiter les risques de spéculation. A ce jour, le différentiel de prix entre les deux produits est encore très important (graphe suivant), s’expliquant par les étapes de transformation supplémentaires pour l’obtention de cobalt métal et donc la valeur ajoutée correspondante.  Or, la cotation des sulfates étant liée à celle du cobalt métal, la baisse de l’un ou l’autre a pour effet d’inciter les producteurs à contrôler les quantités mises sur le marché pour tenter d’influencer les cours.

Le LME a ainsi annoncé une évolution de la cotation pour 2019-2020. L’objectif serait notamment de mettre en place des contrats appelés « cash-settled » pour le cobalt, plus faciles à gérer car permettant notamment de ne pas avoir à détenir de stock physique de métal. L’idée de création de labels de qualités assurant une meilleure traçabilité (« cobalt éthique ») est également évoquée. La mise en œuvre de ces annonces paraît toutefois complexe à court terme.

Gaétan Lefebvre, avec la collaboration de Patrice Piantone, BRGM

Notes

Pour plus d’informations sur les différents usages du cobalt, se reporter au Panorama BRGM 2013

Le terme « ressources » traduit ici une concentration de cobalt en forme et en quantité telles qu’il y ait des chances raisonnables de déboucher sur une extraction économique. Les chiffres donnés correspondent à une connaissance dont la précision dépend de la quantité de travaux d'évaluation effectués (sondages, etc.). Ces ressources sont un objet géologique et non économique. Elles se distinguent des « réserves », qui font référence à la part des ressources concernées étant techniquement et économiquement exploitable dans des conditions données. Ces deux notions sont soumises à une évolution dans le temps. Un standard international de classification des ressources et des réserves minérales a été développé, sous le nom CRIRSCO, dans le but d’avoir un référentiel unique permettant de comparer les projets entre eux. Cependant, tous les pays et toutes les sociétés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes de publication d’évaluation des ressources et réserves minérales. Obtenir des chiffres homogènes à l’échelle mondiale est donc compliqué et difficilement exhaustif. Pour exemple, l’USGS, service géologique des Etats-Unis, considère des ressources mondiales en cobalt de 25 Mt et des réserves estimées à 7,1 Mt dans sa publication annuelle « Mineral Commodity 2018 ». Ces différences s’expliquent par l’intégration d’estimations non standardisées.

3 Pourcentage indicatif, réalisé sur la base des ressources connues en 2017 en fonction des projets répertoriés selon des normes internationales. Les ressources des nodules et encroûtements déposés sur les fonds marins, notamment dans le Pacifique, n’ont pas été considérées dans ce calcul. Dans l’hypothèse d’un contenu de cobalt de 0,2% à 0,25%, ces ressources additionnelles pourraient représenter jusqu’à 120 Mt de cobalt contenu, soit 5 à 10 fois les ressources terrestres connues. Néanmoins, le coût et les contraintes techniques d’une telle exploitation rendent cette possibilité très peu probable avant quelques décennies.

La production mondiale de nickel est davantage orientée vers la production de fonte de nickel (NPI) et de ferronickels par pyrométallurgie, sans récupération du cobalt. Cependant, un certain nombre de gisements de nickel latéritique produit du cobalt, utilisé en particulier pour la filière des précurseurs de batteries Li-Ion.

5 C’est en particulier la technologie Li-ion NMC 8-1-1, vue comme une des alternatives pour substituer le cobalt, qui tire la demande en sulfates de nickel de haute pureté. Certains producteurs de nickel ont commencé à réaliser des investissements conséquents pour prendre ce virage, notamment le géant minier BHP Biliton et Nornickel.

6 Le JOGMEC (Japan Oil, Gas and Metals National Corporation) est un organisme public à vocation opérationnelle sur les matières premières. Cette institution indépendante est dotée de capacités financières importantes (15 G€) lui permettant de soutenir financièrement les entreprises japonaises à l’étranger, passer des contrats de long terme sur certains secteurs clés, et promouvoir la recherche sur des axes stratégiques. Par cet intermédiaire, de nombreux partenariats industriels ont été construits depuis 2011 notamment dans l’industrie des Terres Rares en appui des sociétés Sumitomo, Sojitz ou Toyota Tsusho pour le développement de projets hors Chine (Malaisie, Vietnam, Inde, Kazakhstan).  

Plusieurs contentieux ont opposé Glencore au gouvernement de Joseph Kabila en 2018, notamment les négociations autour de la réforme du code minier (élévation à 10% des taxes sur les métaux critiques contre 2% précédemment et création d’une nouvelle taxe sur les superprofits), et le statut de la société Katanga, dans laquelle l’entreprise minière publique Gécamines détient des parts.

8 Pour les statistiques de production mondiale de cobalt raffiné, voir la fiche de criticité