Le prix du palladium ne cesse de s’effondrer depuis la moitié de l’année 2022, et est passé sous la barre symbolique des 1 000 $/oz, qu’il n’avait plus atteint depuis septembre 2018. Sur 2023, le prix a carrément chuté de 40% environ. En cause ? les inquiétudes sur l’avenir des ventes de véhicules thermiques d’une part, et sur la substitution du palladium par du platine dans les pots catalytiques des moteurs essence d’autre part.
18 janvier 2024

Le (super) cycle du palladium est-il en train de prendre fin ? Entre 2017 et 2020, les cours du palladium n’ont cessé d’augmenter, passant de 800 à 2 700 $/oz, pour se stabiliser autour des 2 300 $/oz pendant 3 ans (malgré des variations très fortes) avant de revenir tutoyer les 1 000 $/oz sur la fin d’année 2023 et ce début d’année 2024. Les analystes d’Heraeus prévoient même la possibilité d’atteindre les 700 $/oz en 2024, du jamais vu depuis 2016.

Prix des platinoïdes en base 100

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LBMA, S&P Global, BRGM

Contrairement aux prix du palladium, ceux du platine semblent se stabiliser autour des 1 000 $/oz, et ceux de l’or, animés par d’autres leviers, enregistrent des niveaux élevés en s’approchant des 2 000 $/oz. En effet, depuis 2022, le palladium décroche (-40 % sur 2 ans) et seul le rhodium fait pire sur la période avec une baisse d’environ 65%, touché également par le marché automobile, mais aussi le déstockage de métal par les fabricants de verre en Chine, et son remplacement par du platine pour des raisons économiques.

Le marché du palladium est fortement lié au secteur automobile, et en particulier la catalyse, puisqu’il représente environ 84% de la demande mondiale. Il est également utilisé dans la fabrication des condensateurs céramiques multicouches, des connecteurs et circuits imprimés. Enfin, dans le domaine de la chimie, il sert de catalyseur pour l’élaboration d’acide téréphthalique pour le PET (Polytéréphtalate d'éthylène) et les fibres polyester, de l’eau oxygénée et de l’acide nitrique.

La demande mondiale en palladium pour 2023 était d’environ 306 tonnes, très loin de son niveau pré-COVID en 2019 avec 357 tonnes selon les données de Johnson Matthey.

Pour rappel1, le pot catalytique a été développé à partir de 1974 par General Motors et rendu obligatoire pour les constructeurs automobiles dans les années 1990. Il a pour but de réduire la toxicité des gaz d’échappement des véhicules à moteurs thermiques et de ce fait, il équipe aujourd’hui plus de 98 % des véhicules mis sur le marché dans le monde.

Après une année 2023 meilleure que prévue pour les ventes de véhicules légers essence, en raison d’une demande solide des consommateurs et de la quasi fin de la crise des semi-conducteurs, l’année 2024 devrait quant à elle voir un ralentissement des ventes de véhicules thermiques au profit des véhicules électriques, qui continuent de prendre des parts de marché. Les chiffres de L’Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) montrent une évolution très rapide des nouvelles immatriculations par type de véhicules en UE puisque les moteurs essence représentaient encore 56% du marché en 2018, contre seulement 36% en 2022. Dans une dynamique opposée, la part des véhicules électriques (hors hybrides) sont passés de 1 à 12% sur la même période. Pour les véhicules légers en circulation, les moteurs essence dominent encore largement le marché avec plus de 51% du total, contre moins de 1% pour la technologie de l’électrique. A cela s’ajoute la remontée des taux d’intérêt, qui pourraient pénaliser les consommateurs souhaitant emprunter pour acquérir un nouveau véhicule, en particulier en Europe et aux États-Unis.

L’autre raison de cette baisse de la demande est le remplacement du palladium par du platine dans les pots catalytiques des véhicules essence. Pour le World Platinum Investment Council (WPIC), le remplacement du palladium par du platine représentait 11,2 t en 2022, 16,7 t en 2023 et pourrait monter jusqu’à 46 tonnes en 2024 (ce dernier chiffre doit toutefois est pris comme une prévision qui n’engage que le WPIC). Avec la baisse importante du prix du palladium, qui devient relativement similaire à celui du platine, le ratio entre ces deux métaux pourrait revenir autour de 1, comme en 2016-2017.

Du côté de l’offre primaire (issue de l’exploitation minière), la production russe, qui représente environ 40% du total mondial, devrait baisser légèrement du fait d’une maintenance sur certaines fonderies de Nornickel. L’Afrique du Sud et les États-Unis, en retraitant les stocks accumulés en 2023, devraient produire un peu plus cette année pour faire croître la production totale de palladium de 1% par rapport à 2023. Néanmoins, les prix très bas du palladium et du rhodium, qui représentaient respectivement 21 et 54% des revenus pour les compagnies minières sud-africaines en 2021, pourront peser sur les productions minières, et encore plus sur les ouvertures de projets ou réouvertures de certaines mines. Avec un prix du platine qui n’augmente pas pour autant, certaines mines ayant des coûts d’exploitation élevés pourraient d’ailleurs être mises en arrêt. En Amérique du Nord (États-Unis et Canada dans une moindre mesure), il est produit environ trois fois plus de palladium que de platine et les mineurs sont donc très dépendants du prix du palladium, surtout aux États-Unis où les mines produisant les deux platinoïdes ne produisent pas d’autres métaux comme le cuivre, le nickel ou le cobalt.

Quant au palladium secondaire (provenant du recyclage), les différentes crises ayant touché le marché automobile depuis plusieurs années, et notamment celle liée aux semi-conducteurs, ont ralenti le changement des véhicules anciens par des neufs, entrainant avec elles une chute de la disponibilité des véhicules hors d’usage, et donc le recyclage des pots catalytique en 2023. Pour 2024, la production de palladium secondaire devrait rester stable autour des 100 tonnes, dont 85-87% issue du retraitement des pots catalytiques usagés uniquement.

Le marché du palladium pourrait donc afficher un déficit conséquent sur 2024, qui pourrait mécaniquement faire remonter les prix, mais jusqu’à quels niveaux ?

 

Mathieu Leguérinel, BRGM

Notes

1 Pour plus d'informations sur l'utilisation des platinoïdes dans la catalyse automobile, vous pouvez consulter l'article Ecomine suivant : https://www.mineralinfo.fr/fr/ecomine/impacts-des-normes-antipollution-sur-demande-mondiale-platinoides-cas-du-platine-du

Pour en savoir plus sur le marché des platinoïdes, vous pouvez consulter : 

- Article Ecomine sur les platinoïdes en Afrique du Sud : https://www.mineralinfo.fr/fr/ecomine/proie-des-difficultes-systemiques-lafrique-du-sud-continue-malgre-tout-dasseoir-sa

- La page Minéralinfo consacrée aux platinoïdes, y compris les fiches de criticité : https://www.mineralinfo.fr/fr/tag/platinoides-0

Références

- SFA (Oxford), pour Heraeus Precious Metals, 2023, 2024

- Johnson Matthey, 2023 : https://matthey.com/

- World Platinum Investment Council (WPIC), 2023 : https://platinuminvestment.com/

- Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), 2024 : https://www.acea.auto/

- London Bullion Market Association (LBMA), 2023

- S&P Global, 2023

- Kitco, 2023 : https://www.kitco.com/