Depuis 2001, les principaux utilisateurs du titane et la DGALN réalisent une veille sur le marché du titane avec l’appui d’un consultant. Assise sur des échanges informels trimestriels, cette veille permet d’ajuster les stratégies d’achat et d’anticiper les aléas des approvisionnements, notamment sur les prix. Au regard des enjeux liés aux approvisionnements en titane et du contexte actuel de crise sanitaire, ce nouveau rapport tente de donner une vision globale de l’offre et de la demande.
9 juillet 2021

Le titane est utilisé sous la forme d’alliages dans les applications à haute performance dans l’aéronautique et la défense et sous sa forme pure ou faiblement alliée dans les applications industrielles et les biens de consommation.

Demande en titane

Du côté de la demande mondiale, la segmentation du marché du titane s’organise autour de deux grands domaines, les applications industrielles (chimie, énergies fossiles, nucléaire etc.) et l’aéronautique, et deux secteurs moins développés que sont les biens de consommation et le militaire. Avant la crise du Covid-19, la demande en titane a atteint un niveau record avec plus de 160.000 tonnes de titane consommé. Le marché du titane est cyclique, le dernier pic de consommation datait de 2011 (120.000 tonnes) suivi d’un point bas de la demande en 2013 avec 106.500 tonnes. En moyenne sur les sept dernières années, la consommation de titane a augmenté de 6,2%/an. Les effets économiques de la pandémie de Covid-19 se sont traduits par une chute brutale de la demande en 2020, surtout à cause de l’effondrement de l’activité aéronautique. Notre estimation est une chute de la consommation de titane de -30% en 2020 (113.000 tonnes) et une poursuite de la tendance à la baisse en 2021 avec un point bas cette année-là avec seulement 90 .000 tonnes de titane qui serait consommé au total. Selon ces prévisions, la crise aura fait chuter la demande de -45% entre 2019 et 2021. Au-delà, le rythme de croissance est estimé à environ 12%/an à l’horizon 2026 avec un retour au niveau de consommation de 2019 en 2027.

La production de titane démarre par la fabrication de l’éponge qui est extraite de l’oxyde de titane par le procédé Kroll. Ce procédé complexe et coûteux détermine l’économie de la filière de production et contribue au prix élevé du matériau. Clef de son développement, des recherches sont menées pour inventer de nouveaux procédés d’extraction, innover dans les méthodes de production. Des progrès sont obtenus et des marchés de niches trouvent progressivement leur voie en particulier dans le domaine des méthodes de production additives. L’essentiel de la production reste toutefois sur le schéma basé sur l’éponge Kroll, les techniques alternatives d’extraction ne réussissent pas à passer le cap de l’industrialisation avec de meilleurs rendements.

Entre 2003 et 2012, les capacités mondiales de production d’éponge ont été multipliées par trois pour atteindre 322.000 t/an. Pendant cette période, la Chine a développé une offre très surcapacitaire qui n’a pas résisté aux effets de la crise de 2008. Après avoir perdu 40% de ses capacités entre 2012 et 2017, ce pays a déclaré en 2019 disposer de 158.000 t/an de capacité soit 47% des 336.400 t/an du total mondial. Le reste est situé en Europe de l’Est (25%), au Japon (19%), aux USA (4%) et en Arabie-Saoudite (5%). Ce dernier pays a démarré sa production fin 2019. Grâce à sa collaboration avec le Japon, il est en capacité à moyen terme de se qualifier pour des applications aéronautiques alors que la Chine n’y est pas encore parvenue.

Au niveau des moyens de fusion, les capacités mondiales sont estimées à environ 478.000 t liquides/an (344.000 tonnes solides/an). Elles sont principalement localisées en Chine (37%), aux USA (33%), en Europe de l’Est (18%) et au Japon (11%). En Europe, après la fermeture des capacités allemandes du groupe Thyssen, les initiatives autour de la coentreprise franco-kazakhe UKAD ont permis d’initier une filière de transformation de produits forgés (2011) puis de recycler le titane aéronautique avec EcoTitanium (2017) et enfin d’organiser une capacité européenne de produits plats (2020).

Offre en titane

Du côté de l’offre mondiale, les capacités mondiales de production d’éponge de titane se sont développées sur la période de 2003 à 2012 pour culminer à 322 400 t/an. A partir de 2013, la baisse de l’activité dans le secteur industriel a obligé la Chine à fermer 40% de ses sites de production. La capacité chinoise est ainsi passée de 149.500 tonnes/an en 2012 à 88.000 tonnes/an en 2015. En 2017, les USA ont perdu environ 50% de leurs capacités de production d’éponge avec la fermeture de l’usine d’Allegheny alors que la Chine rouvrait de nouvelles capacités. Deux ans plus tard, la dernière usine de production d’éponge américaine a cessé son activité alors qu’au même moment un nouveau pays entrait dans le cercle des pays producteur : l’Arabie – Saoudite. En 2020, les capacités mondiales de production d’éponge sont de 323.800 tonnes/an. Presque la moitié est localisée en Chine, le reste est situé en Europe de l’Est (Russie, Kazakhstan et Ukraine), au Japon et Arabie-Saoudite.

Aucune capacité de production d’éponge chinoise n’est qualifiée pour un usage aéronautique. La Chine est obligée d’importer cette qualité de matière première pour ses besoins. Les seuls producteurs qualifiés sont japonais, russes et kazakhes. Compte-tenu des enjeux capacitaires autour de cette qualité supérieure d’éponge, la Chine s’est fixée comme objectif prioritaire de la développer sur son territoire pour servir ses ambitions stratégiques dans l’aéronautique, l’espace, le nucléaire, la défense etc. La disparition de la dernière usine d’éponge aux USA a déclenché un plan d’action visant à sécuriser l’accès à cette matière première stratégique pour l’industrie américaine.

Concernant les moyens de fusion, les dernières augmentations significatives de capacité ont été faites en Chine. Sur un total de 481.250 tonnes liquides/an, la Chine a dépassé les USA en 2019 avec 37% des capacités mondiales. Les USA sont en seconde position avec 33% (en incluant les filiales européennes) et le reste des capacités mondiales est localisé au Japon et sur le continent européen (Russie, Kazakhstan, Ukraine, France, Italie).

En Europe occidentale, la société franco-kazakhe UKAD a inauguré en septembre 2017 sa nouvelle usine de retraitement EcoTitanium localisée en France et disposant d’une unité de fusion plasma compatible avec les exigences de qualité aéronautique. Après la fermeture de la branche titane du groupe allemand Thyssen en 2009, la France est le seul pays européen à s’être doté d’une filière industrielle cohérente, sécurisée en amont et disposant de sa propre capacité de recyclage.

Aux USA, les trois grands acteurs de la filière de production PCC, ATI et Howmet ont engagé des opérations de rationalisation de leurs outils de production en réponse à la crise du Covid-19. Des plans de licenciements et des fermetures d’usines sont mis en œuvre pour préserver les équilibres financiers et, en parallèle, des investissements sont consacrés, en particulier pour la production de produits plats (tôles, plaques), pour dimensionner une offre compétitive au moment du redémarrage de l’activité.

 

Evolution des procédé

Sur le plan technologique, les recherches visant à remplacer le procédé Kroll pour la production d’éponge de titane par des méthodes plus économiques ne débouchent pas. Les progrès les plus significatifs concernent le développement des technologies de fabrication additive qui ouvrent des perspectives de filières de production compétitives sur des cas d’application très ciblés. La généralisation de ces nouvelles approches n’est pas à l’ordre du jour tant que les coûts de production, en particulier des matières premières (poudres, fil), ne baisseront pas significativement.